tout public à partir de 10 ans
Portés par le son vibrant et mélodieux du hang, ces récits parlent de l’amour qui creuse son sillon d’histoire en histoire.
Pied d’or… Shoeï et Houo…
Deux grands contes merveilleux qui nous entraînent entre magie et amour.
Pied d’Or est un « classique » du répertoire français, un conte Gascon où l’on retrouve des figures héritées de mythologies pré-chrétiennes : un forgeron au savoir magiques, sa fille-serpente gardienne des savoirs de la terre, un jeune apprenti qui, par ce savoir volé au maître, sauve son aimée de la mort en lui fabricant un bijou « fait d’or et de sang ».
Shoéï et Houo est un conte japonnais. Une jeune geïsha tombe amoureuse d’un pauvre graveur d’estampe. Estampe… en japonais : « image du monde flottant ». Amour impossible. Mais voilà qu’un soir un acteur de Kabuki entre dans la Maison de thé et inscrit sur le front de Shoéï d’une étrange marque en forme de serpent. Une lèpre couvre bientôt le visage de la jeune femme. Mais où est son vrai visage ?
Avec :
Françoise Barret : Conteuse
Crédit photo : Gilles Roussy
Extraits :
(…) Depuis la fenêtre du château, la Petite-Demoiselle regarde l’homme qui se présente à la porte. Sa haute stature contraste avec ses deux grands yeux bleus couleur porcelaine, des yeux d’enfant… Une tignasse noire ébouriffée… Derrière lui une lourde charrette tirée par deux chevaux de trait.
« Regardez ! C’est l’apprenti du Forgeron ! Il vient pour préparer les bijoux pour le mariage de ma sœur ! »
La Petite-Demoiselle court, descend l’escalier, va elle-même ouvrir la lourde porte, et conduit le jeune homme à la grange qu’on a réservée pour la forge. La Petite-Demoiselle pose mille et une questions auxquelles Josselin a bien du mal à répondre. Josselin s’installe et commence son travail, et chaque jour la Petite Demoiselle vient, le regarde travailler et n’arrête pas de parler…
Au bout de quelques jours, Josselin ose enfin lui demander :
« Mademoiselle, je suis très honoré que vous vous intéressiez ainsi à mon travail, mais j’ai bien du mal à me concentrer… Sauf le respect que je vous dois… Je veux bien que vous me regardiez travailler, mais je vous propose ceci : asseyez-vous ici, sur ce tabouret, et soyez gardienne du silence … »
« Je suis d’accord, si je peux de vous poser une question par jour. »
Et la voilà qui, vive comme une alouette, sort de l’atelier. Quelques instants puis tard elle revient avec un bouton de rose dans la main :
« Ma question du jour: seriez-vous capable de forger quelque chose d’aussi beau que ce bouton de rose ? »
Et ce jour-là, Josselin s’inspire du bouton de rose pour fabriquer le bijou qu’il est en train de façonner. Chaque jour, la Petite-Demoiselle apporte un objet : une libellule, une abeille, une minuscule grenouille, un morceau d’écorce, une feuille de saule… Et Josselin s’en inspire…
Au bout de quelques semaines, Josselin a fini son ouvrage. Demain le Forgeron viendra et évaluera devant tous son travail.
Josselin commence à rassembler ses affaires pour le départ. La Petite-Demoiselle est assise à sa place, elle se tait :
« Vous êtes devenue une vraie gardienne du silence… J’aimerais repartir avec une question de vous, une pour chacun des jours de ma vie. »
« Je n’ai qu’une seule question à vous poser. Mais si vous ne savez y répondre, je crois que j’en mourrai… »
« Alors, disons que si je ne sais y répondre, je mourrai moi aussi ? »
« Voici ma question : ce que vous avez fait pour ma sœur est magnifique. Mais si vous aviez une fiancée, et si j’étais celle-là que vous aimez, feriez-vous pour elle quelque chose d’encore plus beau que ce que vous avez fait pour ma sœur ? »
« Pour ma maîtresse, je ferai un bijou d’or et de sang qui n’a pas son pareil. »
« Je veux que vous fabriquiez ce bijou pour moi. »
« Savez-vous ce qui vous attend ? »
« Oui. »
(…)
Pied d’Or –conte Gascon
(…) « Ce matin, bien avant l’aube, j’ai entendu du bruit dans l’étable. Vite, je me suis levée, j’ai enfilé mes bottes et mon manteau. Dehors, j’ai cassé un des énormes pics de glace qui pendent le long du toit. C’est à ce moment-là qu’elle est sortie de l’étable, m’a fixée de son œil fou. Je me suis mise à courir, pointant vers elle cette lance improvisée, visant son œil. Mon pied a glissé, ma tête a cogné le sol gelé. Le bruit, le choc : plus rien. J’étais en train de mourir….elle s’est approchée de moi, sa tête tout près de mon visage, elle a soufflé sur moi, dans mes narines, dans ma bouche. Elle a absorbé mon souffle et a mis le sien dans ma gorge. C’est moi, Ania, qui suis maintenant l’âme de l’hiver, je suis la biche blanche… »
Ania se lève, bouscule ceux qui l’entourent, se met à courir comme une folle vers le bois, avec autant de prestesse que si elle avait été… une biche. Ania agit exactement comme si elle avait été la biche blanche. Elle court dans le bois, mange le foin des animaux, parfois elle s’endort, épuisée, dans un coin de l’étable…
Stupeur dans le village… personne ne sait quoi faire, ni quoi dire.
Surtout Woytek. Woytek, le fiancé d’Ania, ils devaient se marier aux premiers jours du printemps…
La plupart du temps il reste assis à côté de Bachia, la vieille grand-mère, celle qu’on a oubliée à côté de la cheminée, avec son chat sur les genoux… elle ne parle pas, elle radote.
Elle ne se souvient de rien du présent, que les vieilles histoires du passé, celles qui n’intéressent personne ! Comme elle ne se souvient de rien, on peut tout lui dire, les secrets, les chagrins, les amours… Elle ne sert plus qu’à ça, à écouter…
Bachia écoute Woytek en hochant la tête. Quand il a fini de parler, elle lui demande :
« Quel jour sommes-nous ? »
« Ce soir, ce sera la nuit de l’étoile Tzaraya, qui devrait annoncer le printemps… »
« C’est donc cette nuit qu’il faut agir, mais tu n’en auras pas le courage ! »
« Pourquoi ? Pour sauver Ania, j’aurai tous les courages ! »
« Il suffit de l’attraper, et de la mettre sous la neige … »
« Sous la neige ? Mais elle va mourir !? »
« Complètement sous la neige, la tête aussi, n’oublie pas le visage, c’est très important ! »
« Bachia tu es complètement folle, c’est impossible ! »
« Je t’avais bien dit que tu n’aurais pas le courage. Quand tu l’auras fait, viens me voir. »
(…)
La biche de l’hiver – conte Tzigane-polonais – Extrait